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Galilée et la mise en scène de l’expérience scientifique

Comment représenter au théâtre la scène fondatrice de la modernité : Galilée aux prises avec ses ennemis, tentant de prouver que la terre n’est pas immobile au centre de l’univers ? Il y a le Galilée version Brecht, héros de la Vérité, triomphant de l’erreur d’Aristote, victime de l’idéologie du pouvoir religieux. Ce Galilée-là, tout le monde le connait. Comme dans cet article du blog Infusion de sciences, il “infuse” encore largement la vulgarisation scientifique. A l’opposé, le Galilée très post-moderne de Jean-François Peyret dans Tournant Autour de Galilée réutilisait la vision brechtienne pour mieux en détourner le spectateur. Le spectacle a suscité le texte suivant de Bruno Latour et Frédérique Ait-Touati sur la représentation des sciences au théâtre.

Mais enfin quand pourra-t-on voir un Galilée version STS, dans sa pratique des expériences, utilisant ses instruments, réunissant des preuves fragiles, inventant une rhétorique, engagé dans une controverse ? Judith Larnaud-Joly et sa compagnie le Groupe EL tentent l’expérience en allant au plus direct : mettre en scène le texte de Galilé lui-même, le Dialogue sur les Deux Systèmes du Monde paru en 1632. Le spectacle s’appelle Je me suis souvent étonné - Une Dispute sur le mouvement de la Terre. La forme de dialogue utilisée par Galilée s’y prête certes, mais dans l’adaptation du texte, bien sûr drastique, le souci pédagogique risque toujours de prendre le dessus sur les enjeux dramatiques … et de gâcher l’affaire. Et pourtant ça marche. S’il n’est pas facile d’adhérer aux positions de Simplicio, partisan d’Aristote, et qui se fait laminer par les démonstrations de Salviati alias Galilée, on assiste quand même à une bataille. Mieux : selon que Simplicio, au cours du spectacle, encaisse les assauts de Salviati, retrouve ses certitudes dans les écrits des maîtres, ou que sa conviction s’affaiblit, le basculement du monde tient sur le moment à peu de choses. En même temps que Simplicio résiste aux attaques de Saliviati, le spectacle résiste au positivisme. Si elle fait peur à l’historien des sciences, l’expérience devrait plaire au praticien des STS.

Axel Meunier

L’article ici.

Entretien avec Sylvain Hudlet, adaptateur du “Dialogue” de Galilée

Pouvez-vous nous situer plus précisément votre rôle dans les manifestations de l’Année Mondiale de l’Astronomie à Troyes ?

Le projet central qui fut lancé, avant que l’on sache qu’il y aurait l’année mondiale de l’astronomie en 2009, fut une exposition patrimoniale sur l’histoire du ciel. Elle est installée à la médiathèque et réalisée par Marc Lachièze-Rey et moi-même. Ensuite s’est greffé à cela un ensemble de conférences et d’ateliers d’astronomie, un colloque (que l’on n’a pas eu le temps de mettre en route) et enfin la mise en scène du « Dialogue » de 1632 de Galilée, texte totalement inouï par sa pédagogie et par les nouveautés scientifiques de l’époque de Galilée qu’il contient.

Comment vous êtes-vous intéressé à ce Dialogue ?

En premier, par un petit livre : « Galilée, Newton lu par Einstein » écrit par Françoise Balibar, enseignante en physique dont j’avais suivi les cours de physique quantique à Paris 7. Depuis, dans un enseignement d’histoire des sciences dont je m’occupe ici à Troyes, dans lequel je présente quelques passages pour les commenter en classe. L’idée d’en faire une vraie présentation, ouverte à tous, car ce texte est accessible, date déjà de trois à quatre années.

Comment avez-vous fait un choix et procédé aux « coupes » du texte original ?

Lecture complète de l’ouvrage durant mes vacances ! Retrait des quelques passages correspondant à des réponses que Galilée fait à certains auteurs de son époque qui sont aujourd’hui non accessibles si l’on ne dispose pas de leurs ouvrages. Puis sélection des idées clefs et des endroits du texte où elles sont livrées. Quelques choix supplémentaires de passages vivants mais finalement non indispensables au plan scientifique, comme par exemple la discussion de la première journée autour de l’expérience des miroirs qui permet de montrer que la Lune est forcément rugueuse au contraire de ce que Aristote attendait. Il fallait qu’il reste en gros 30 pages sur un ensemble de 500 pages environ pour une présentation d’une heure…

Qu’attendiez-vous d’une lecture en scène de ce texte ?

Restituer les traits de génie de Galilée, sa joie d’écrire ce texte, le fait qu’il s’adresse, comme il l’indique à la fin de la première journée, à des lecteurs non encore nés en 1632 ! Montrer que des principes physiques actuellement décrits avec des termes techniques comme le principe d’inertie, peut être présenté sans recours aux mathématiques : l’inertie comme un mouvement imprimé de « manière indélébile » dans la matière. Montrer que le mouvement de la terre est finalement plus naturel que son repos. Finalement laisser Galilée faire l’éducation de notre intuition.

Qu’en avez-vous pensé après avoir assisté à la soirée du 17 ?

Extraordinaire !!!

Selon ce que vous en avez observé, le travail des comédiens et le travail des scientifiques sont-ils si différents ?

Les comédiens sont des personnes très ouvertes. Et il me semble que leur travail ne peut se faire que si il y a une bonne ambiance entre eux. Ensuite, pour le reste, j’ai un peu de mal à répondre plus précisément à cette question. Si, un point commun peut-être, comédiens et scientifiques travaillent parfois tard le soir.

La communication, les partenariats et le coût

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Communication et partenariats

« Je me suis souvent étonné » a obtenu la labellisation AMA09 (année mondiale de l’astronomie organisée par l’UNESCO) et également le label Sciences à l’Ecole, qui garantit la qualité pédagogique et scientifique du projet (lettre jointe).

L’équipe de coordination de l’Année Mondiale de l’Astronomie, qui a validé le projet, en assurera la communication sur son site www.astronomy2009.fr dès que nos dates de représentations seront fixées, ainsi que sur tous ses supports de diffusion.

Certains lieux d’accueil comme l’espace des Sciences à Rennes ou encore l’université Paris 7, ou de soutien comme le Palais de la découverte ou l’U.T.T. (opération « Lumières sur le ciel » à Troyes) assurent la diffusion des évènements qu’ils organisent via leur site web, des campagnes d’affichage et surtout un réseau « Culture Scientifique » développé. Chaque date supplémentaire de « Je me suis souvent étonné » bénéficiera de cette visibilité.

Le soutien logistique et matériel est assuré par Agora International, association de promotion artistique située à Paris 14ème.


Coûts

« Je me suis souvent étonné » est financé pour partie par l’Université Paris VII, la Mairie de Paris, le conseil général de l’Essonne, le CROUS et Agora International.

Le coût d’une représentation est de 1900 euros T.T.C., transports et hébergement en sus.

Les conditions techniques sont adaptables au cas par cas.

Des ateliers de mise en jeu théâtrale de contenus scientifiques nommés « Jeu théâtral et découverte de la Science » sont aussi proposés. Ils permettent aux participants, enfants de l’école primaire au collège, de : Stimuler leur intérêt, leur curiosité, leur esprit critique, leur imagination et leur créativité, être sensibilisés à un domaine scientifique, rendre conscience de la façon dont la science évolue (questions, controverses, erreurs, hasards, expériences, théories, savoirs, pratiques…), aborder divers modes d’expression : écrit, oral, graphique… Sous la forme d’exercices et improvisations théâtrales, lecture de textes scientifiques actuels et anciens, mise en fiction d’épisodes et faits historiques et scientifiques…

Réalisation finale envisagée : présentation de scènes ou restitutions des travaux en exposition.

Le coût en est à discuter avec chaque interlocuteur.

Les lieux de diffusion et le public cible

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Différents contacts ont été pris pour diffuser « Je me suis souvent étonné ». Certaines réponses sont en attente pour jouer cette pièce :

- lors du Festival d’Astronomie de Fleurance, en particulier pour l’exposition Astronomie et Arts au Château de Lavardens, dans le Gers, organisée par l’association A ciel ouvert durant l’été 2009. Contact : Bruno Monflier.

- à l’Espace des Sciences de Rennes qui organise une journée autour du théâtre scientifique en juin 2009. Contact : Michel Cabaret, Laurence Le Calvez.

- lors du Festival Scènes de Méninges ou ses annexes (Ecole des Mines, CCSTI de Saint-Etienne). Contact : Florence Delaporte.

- au Centre d’animation La Jonquière, Paris 10ème, en septembre 2009

- dans les collèges ou médiathèques de l’Essonne, dates en cours de confirmation.

Les publics visés sont autant un public large de type familial que des amateurs d’astronomie, des étudiants, des lycéens ou des collégiens. En ce sens, un soin particulier a été apporté à la réécriture du dialogue pour être entendu dès le niveau de la classe de troisième. Roland Lehoucq, astrophysicien au CEA, Denis Savoie, historien des sciences et directeur du Planétarium du Palais de la Découverte, Edouard Hochereau et Florence Pélissier, professeurs de français-grec au Collège de la Clef Saint Pierre (Elancourt), responsables de l’option grec-astronomie, et Sylvain Hudlet, physicien enseignant-chercheur, ont contribué à la relecture du texte.

Pour replacer le « Dialogue » dans l’optique de Galilée qui avait choisi de l’écrire en italien, langue du peuple et non pas en latin, et qui en 1632, le publie pour le plus large auditoire sous une forme appelant la lecture orale, nous prospectons afin de jouer le spectacle dans d’autres espaces de diffusion que les salles de spectacle.

Une présentation plus légère du point de vue technique (lumière du jour et instruments non-sonorisés) est prévue, pour jouer le « Dialogue » dans les collèges, les lycées ou les médiathèques. Lucie Kergroach, chargée de diffusion, est à disposition pour des précisions à ce sujet.

L’équipe et la structure de création

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Judith Larnaud-Joly : metteur en scène, adaptatrice du dialogue.

Alexandra Forestier, Nuno Marcellino et Agustin Letellier : comédiens et musicien.

Roland Lehoucq : référent scientifique, adaptateur du dialogue.

Lucie Kergroach : direction d’acteurs, chargée de production.

Lisa Navarro : scénographe

Cristobal Castillo : créateur lumière

Fabien Goubet et Samuel Guitton : co-adaptateurs

Sylvain Hudlet : co-adaptateur, référent scientifique (enseignant-chercheur à l’U.T.T.)

Denis Savoie : référent scientifique (historien des sciences, directeur du Planétarium du Palais de la Découverte).

Edouard Hochereau : référent pédagogique (professeur de physique au Collège de la Clef Saint Pierre à Elancourt).

Florence Pélissier : référent pédagogique, (professeur de français-grec au Collège de la Clef Saint Pierre, responsable de l’option grec-astronomie).

Cette création a pour cadre l’association LE GROUPE EL qui associe des compagnons d’aventures scéniques : chercheurs, comédiens, musiciens, scénographes… depuis 1997. L’objectif de nos propositions est d’ouvrir vers tous nos passions et nos recherches, de créer des moments de connaissance et de jeu, de savoir et d’imaginaire croisés. Chaque moment partagé avec le public devient un espace de découverte où questions rationnelles et mise en forme sensible se mêlent et se côtoient. Autour de thématiques politiques, poétiques, scientifiques, historiques ou éthiques, naissent des spectacles, des animations ou des déambulations suggérant une grande proximité entre savoirs et imaginaires, connaissance et rêverie. Elle propose également des formations au sein des universités Paris-6 Pierre et Marie Curie, et Paris-7 Denis Diderot, au Palais de la Découverte depuis 1998, ateliers d’expression théâtrale et de prise de parole. Les membres de la troupe mènent à tour de rôle le club-théâtre de l’Institut Curie depuis 2001, atelier amateur mêlant chercheurs, techniciens, médecins et salariés divers autour d’improvisations et de scènes régulièrement présentées au public.

De 1997 à 2004, la troupe a créé quatre spectacles, reçus dans des structures culturelles ou universitaires, mêlant parfois des étudiants en formation et des artistes de scène, en France et en Amérique latine:

  • Autour de la prodigieuse , d’après Federico Garcia Lorca, créé à Paris, qui mettait en lumière le caractère merveilleux de la fable de Lorca, « une farce violente », à l’Université Paris-7 et à la maison de l’Argentine.

  • Isla Negra, d’après Antonio Skarmeta, retraçant l’amitié de deux hommes de lettres en pleine tourmente politique, Pablo Neruda et son facteur. Ce spectacle, après avoir vu le jour sur le campus de Jussieu, a été invité à l’Universidad Catolica de Chile, au teatro Espiral à Santiago du Chili, en version française et espagnole. Il a été joué au retour au Centre Culturel de la Clef, à la Cité Universitaire et à l’Université de Censier.

  • La mère des tortues d’après Jorge Luis Borges, présentant par le biais d’une conférencière loufoque un univers de saltimbanques de la science, de colporteurs du savoir. La création à Paris avait été suivie d’une invitation du Centro Cultural Borges, puis à l’Universidad de Buenos Aires, en Argentine et du teatro Estrella à Montevideo, en Uruguay. « La mère des tortues » a été retenue par le Festival Scènes de Méninges (Ecole des Mines, CCSTI de Saint-Etienne), représenté au Musée d’Art Moderne. Il a ensuite été joué au Museum d’Histoire Naturelle de Lyon.

  • Presque Marie une fiction autour de la vie et la recherche de Marie et Pierre Curie, à travers la réécriture de documents historiques de 1903 à 1914, avait été créée sur initiative et commande du Musée Curie, Paris 5ème. Elle a été jouée au Musée Curie et à l’amphithéâtre de l’Institut. Des échanges « Pierre, Marie Curie et vous ? » avaient ensuite eu lieu dans l’Amphithéâtre de Physique de l’Université Pierre et Marie Curie Paris-6.

Judith Larnaud-Joly a récemment co-écrit et mis en scène Jusqu’ici tout va bien représenté en décembre 2008 dans trois théâtres parisiens, une production Art’aire Studio, pièce mi-policière mi-parcours initiatique sur le Dérèglement Climatique, jouée par les étudiants de Mastère Bio-géo-média de l’Université Paris-7 Denis Diderot.

La production de « Je me suis souvent étonné » est une occasion idéale pour que la compagnie poursuive son activité d’expression scénique dans un de ses domaines de prédilection : l’intersection des sciences et de l’imaginaire.