Galilée et la mise en scène de l’expérience scientifique
Posted in Je me suis souvent étonné on 11/03/2009 10:34 by AudreyComment représenter au théâtre la scène fondatrice de la modernité : Galilée aux prises avec ses ennemis, tentant de prouver que la terre n’est pas immobile au centre de l’univers ? Il y a le Galilée version Brecht, héros de la Vérité, triomphant de l’erreur d’Aristote, victime de l’idéologie du pouvoir religieux. Ce Galilée-là, tout le monde le connait. Comme dans cet article du blog Infusion de sciences, il “infuse” encore largement la vulgarisation scientifique. A l’opposé, le Galilée très post-moderne de Jean-François Peyret dans Tournant Autour de Galilée réutilisait la vision brechtienne pour mieux en détourner le spectateur. Le spectacle a suscité le texte suivant de Bruno Latour et Frédérique Ait-Touati sur la représentation des sciences au théâtre.
Mais enfin quand pourra-t-on voir un Galilée version STS, dans sa pratique des expériences, utilisant ses instruments, réunissant des preuves fragiles, inventant une rhétorique, engagé dans une controverse ? Judith Larnaud-Joly et sa compagnie le Groupe EL tentent l’expérience en allant au plus direct : mettre en scène le texte de Galilé lui-même, le Dialogue sur les Deux Systèmes du Monde paru en 1632. Le spectacle s’appelle Je me suis souvent étonné - Une Dispute sur le mouvement de la Terre. La forme de dialogue utilisée par Galilée s’y prête certes, mais dans l’adaptation du texte, bien sûr drastique, le souci pédagogique risque toujours de prendre le dessus sur les enjeux dramatiques … et de gâcher l’affaire. Et pourtant ça marche. S’il n’est pas facile d’adhérer aux positions de Simplicio, partisan d’Aristote, et qui se fait laminer par les démonstrations de Salviati alias Galilée, on assiste quand même à une bataille. Mieux : selon que Simplicio, au cours du spectacle, encaisse les assauts de Salviati, retrouve ses certitudes dans les écrits des maîtres, ou que sa conviction s’affaiblit, le basculement du monde tient sur le moment à peu de choses. En même temps que Simplicio résiste aux attaques de Saliviati, le spectacle résiste au positivisme. Si elle fait peur à l’historien des sciences, l’expérience devrait plaire au praticien des STS.
Axel Meunier
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